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Inventaire avant liquidation
9 novembre 2018

Une prédisposition à l'angoisse; coup d'œil à la psychastrologie

     N’importe quelle plaie. Une naissance superlative, disons. Qui sait si ceux qui ont mis des heures à apparaître (la plupart enfants uniques ou premiers-nés) ne se ressemblent pas par quelques traits, de la claustrophobie au sentiment d’être partout mal voulus? Dans le brouillard on peut dire absolument n’importe quoi, et justifier aussi bien le masochisme – faire du plaisir avec la douleur initiale, comme le théorise le bon docteur Bergler sans trop se casser la tête sur le détail du processus– que le refus du réel, ou un besoin d’étayage qui passe les bornes, une avidité compensatoire…  et je retrouve là la boulimie originelle, et l’absence de repères qu’elle suppose : un cas si rare que ni Spock ni Marie Thirion ni personne que je connaisse ne l’évoque, et que je finirais par penser que ma mère, seul témoin du phénomène, débloque : rappelons que selon elle, je me gorgeais de lait comme pour me prémunir contre un tarissement imminent, quitte (voici le bizarre) à vomir l’excédent dans la foulée… Or, quoique n’ayant connu la faim que de mon plein gré et à titre d’expérience, il m’est impossible de garder une denrée classée appétissante : je liquide en un jour une semaine de réserves, voire davantage. Bien drôle de penser qu’un tel comportement remonte peut-être au “tout, tout de suite” de la nuit des temps – le lait, mais non les laitages ni les frometons, ayant fait l’objet d’un interdit ultérieur. Mais est-ce bien une insatiabilité, ou un défaut de régulation naturelle,pour le coup, “de naissance”, qu’il faut pointer?Après tout, il est universellement admis, et très vraisemblable, qu’en notre traumatisme gît l’origine de toute angoisse : est-il donc étonnant, s’il grimpe d’un ou deux degrés sur cette échelle de un à dix qu’exige le corps médical pour donner quelque crédibilité à la parole du patient, que l’angoisse à venir croisse d’autant, et qu’on la trouve au poste dès les premières bouffées d’oxygène? Sinon caractérisée, du moins cette prédisposition qui, depuis, ne s’est pas démentie, et à quoi la suite, relhum en tête, n’aura plus que le souci de trouver un contenu. La pure crainte de l’instant qui vient, avec l’inhibition en germe, pourrait bien sortir de la douloureuse surprise de l’instant zéro, et la peur de manquer, qui ne paraît pas requérir une élaboration très sophistiquée, avoir emboîté sans à-coup le pas de la faim : qui me ferait ici grief d’imiter Rank après l’avoir daubé assimilerait deux démarches opposées : celle de rattacher aussi bien les conduites les plus ordinaires que les dysfonctionnements les plus divers à un événement universellement subi, d’une part, et celle d’expliquer tant bien que mal une bizarrerie par une autre, l’éborgnement-par-forceps étant pour le moins rare, et une avidité non réglée sur la faim si exceptionnelle que nul spécialiste ne la mentionne. Si donc j’en crois ma mère… qui pourrait avoir inventé ces vomissements d’orgie romaine pour se disculper de quelque défaillance, mais n’aurait aucune raison de m’en avoir fait part assez récemment… bah! même, après tout, sans l’en croire, l’hypothèse d’une méfiance paléo-traumatique aurait encore pas mal de grain à moudre. L’olibrius  qui, tous les matins avant son premier cours, vérifiait dans son casier s’il n’était pas viré, qui ne se lasse pas de prévoir catastrophe sur catastrophe au sein du nid le plus douillet, qui de la peur fait son Bucéphale… ou sa Rossinante, et la mère de l’agressivité, n’est-il pas né avant tous les rôles plus ou moins bidons qu’il endossera ensuite? Et le traumatisme, ajouterai-je, ne se serait-il pas aggravé de succéder à neuf mois parfaitement peinards? Une superstition m’attache de longue date à ces conceptions de l’équinoxe de septembre qui portent leur fruit aux environs du solstice de juin, et s’il faut vraiment croire que l’embryon n’a pas une vie purement végétative, n’est-ce pas en effet l’idéal, qu’il commence à sentir au plus noir de la nuit, s’ouvre à mesure que les jours s’allongent, et vienne au monde juste à temps pour la fête de l’été? Je n’ai pas pris la peine d’éliminer l’influence des astres de la liste de mes causes possibles, pas plus que les dettes et (dé)mérites accumulés lors d’existences antérieures; mais, réduite à sa plus populaire expression, dont se rient les soi-disant pros,celle des douze signes du zodiaque, situant fœtus et bébé dans le cycle des saisons, d’abord via l’humeur maternelle, puis par prise directe, ne gagnerait-elle pas en crédibilité? Je me souviens de mon épatement devant Marjorie, une nouvelle collègue fort avenante, à Maurice, qui ne me connaissait ni d’Ève ni d’Adam, et cependant, au bout de dix minutes de conversation (dont neuf, je suppose, consacrées à mézigue, ses pompes, ses œuvres et, expurgées, ses tares) s’était écriée : « Tu es Gémeaux, non? » Cet épatement, j’en avais fait montre et l’avais fort exagéré, dans un objectif draguatoire, mais enfin je ne crois pas qu’elle eût étudié mon dossier, et ça lui faisait tout de même onze chances sur douze de se planter. Il est certain que ma fin de non-recevoir relève de l’a priori : il n’y a aucune raison pour que la position des astres à sa naissance influe sur le caractère et la destinée d’un individu, et qu’une “dominante martienne” explique son agressivité, par exemple, parce qu’il a plu aux hommes d’appeler Mars un caillou quelconque. Il n’empêche que des cerveaux qui n’avaient certes rien à envier au mien, comme ceux de Gœthe, Breton ou Thomas d’Aquin, ont cru ferme à certaines correspondances, et que je ne suis pas fermé aux faits qui plaideraient pour une science présumée irrécupérable. Ouvrant le Traité pratique d’astrologie d’André Barbault, voici ce que je découvre, page 88, sur les Gémeaux : « La propriété dominante du signe est la primarité associée à l’ampleur du champ de conscience, faisant le “superficiel large” d’Otto Gross qui entend par là, cette largeur virtuelle que donne à la conscience une grande mobilité, car elle ne projette à chaque instant qu’un mince pinceau d’attention sur les choses, sans insister sur la saisie de ces choses; d’où une faible trace de l’impression, le pinceau de l’attention balayant ici une large surface de représentations. Si le Bélier est le plus impulsif des signes et le Taureau le plus fixe, les Gémeaux sont le plus mobile. C’est un nerveux qui ne pèse pas plus qu’un fil et vit en l’air; un rapide à l’humeur voyageuse, un changeant, amoureux du mouvement, ayant la bougeotte, fait pour le dégagement. Il est aussi “roseau pensant”, un souple, un flexible, léger, habile, adaptable, épidermique; Arlequin jouant sa vie ou vivant son jeu, comédien, caméléon, touche-à-tout, espiègle, et par suite instable, léger, à la fois partout et nulle part, en proie à la division intérieure et aux problèmes qu’elle pose.

     Destinée : possibilité d’avoir plusieurs cordes à son arc et prédisposition à suivre un itinéraire à destinations diverses, sinon à emprunter parallèlement plusieurs voies. Chance de réussite par la virtuosité, par le jeu des relations surtout, en particulier pour écrire, adapter, transmettre, interpréter, traduire, échanger ou se déplacer… Vie assez instable et itinérante, à l’affût d’aventures ou expériences nouvelles. » À première vue et en toute objectivité, ce n’est pas de la tarte d’appliquer cette éluc à un drôle qui depuis quinze ans n’a quasi bougé de son terrier, qui s’y est mitonné la plus régulière des existences, colorée seulement par quelques ennuis de santé, à un ermite qui assurément ne réussira pas “par le jeu des relations”, et qui aimerait bien être un homme-orchestre, mais n’a qu’une corde à son arc, et encore, bien mince. Il est vrai que j’ai beaucoup bougé par le passé, vite las des lieux et des êtres, redoutant surtout de les avoir lassés, et que je persiste à rêver d’ailleurs dans ma tour; que c’est sans doute pour trop demander aux “relations” que je les ai perdues, et que dans la plus entière solitude, le souci d’un public, interne ou à venir, ne me quitte pas; que l’histrionisme et l’érémitisme forment un mauvais ménage dont la survenue de Saturne à l’ascendant ou au Milieu du Ciel fournirait une explication commode! Une fois que j’aurais calculé mon thème astral, ce serait bien le diable si je n’y trouvais pas, à l’origine de mes inhibitions, quelque opposition ou carré de planètes qui s’annuleraient les unes les autres, d’où la tension constante entre les aspirations et les possibilités – et le bilan zéro. Je ne laisse pas, néanmoins, d’être troublé par l’accent mis sur la primarité et l’ampleur du champ de conscience, où l’échec semble se dessiner d’avance, la quête éperdue d’une synthèse toujours plus vaste étant contrecarrée par l’incapacité à s’appliquer, et la flexibilité des identifications adhésives, auxquelles elle sert de prétexte.

     Ce qui après tout pourrait être originel, à un certain “niveau”, où l’on ne joue plus, c’est l’instabilité pathologique, que Marjorie avait sans doute “reconnue”, et dont il serait passionnant de vérifier, sur d’assez vastes panels, si elle affecte un signe zodiacal plutôt qu’un autre. J’ai déjà longuement évoqué le “triste carrousel” qui sévit dans ma boîte crânienne, et aligné quelques raisons de ne pas ramener cette tare à l’outrecuidance ou à la peur. Un encéphalographe certes ne détecte pas encore l’objet de la pensée, mais la versatilité n’est pas si difficile à tester sur la base de critères précis, comme la constance des votes, les changements de domicile et le nombre de PACS par individu. En attendant que ça se fasse (ou que j’apprenne que ça s’est fait : Gogol ne m’est ici d’aucun secours, les fumistes occupant les premières centaines d’entrées), je dois me borner à constater qu’il y aurait un peu trop d’ajustements à opérer pour accrocher ce phénomène de mobilité cérébrale excessive à l’angoisse ou au besoin d’omnipotence, qu’il sert d’ailleurs si mal. Une fuite perpétuelle devant les preuves à faire, ou celles qu’on présume faites, et accablantes? Bien sûr, mais le détraquement ne serait-il pas alors ciblé avec plus de précision? D’être incapable de fixer la rose m’incite à privilégier l’hypothèse d’une malfaçon, qui situerait cette tare de l’esprit avant les perturbations narcissiques. Ça n’équivaut tout de même pas à réhabiliter la caractérologie d’Heymans et Wiersma : bien qu’il me trouble assez de voir les Gémeaux classés majoritairement Nerveux, Émotifs, Inactifs, Primaires, je ne renie rien de mes doutes touchant l’indépendance et la fonctionnalité de ces paramètres. Et après tout, le trauma ne rend-il pas compte à la fois de l’émotivité et de la primarité, si j’oublie que j’étais déjà remuant in utero (Bon Dieu! Mais bien sûr! N’aurais-je pas bougé la tête pour m’éborgner moi-même?), et que mes shoots laissaient présager une carrière de footballeur?

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Commentaires
Inventaire avant liquidation
  • Conclusion de la longue auto-analyse d'un narcipat incapable, 4 ou 5000 pages après le premier mot, de préciser ce qu'il a d'universel, de groupal ou de singulier. Un peu longuet, pour un constat d'échec! Mais je n'ai rien d'autre à proposer.
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