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Inventaire avant liquidation
22 novembre 2018

Passivité, masochisme, homosexualité latente?

RESEXUALISATION?

 

     Mes premières “rabâtées” me furent certainement flanquées par ma mère, mais un clou chasse l’autre, et je ne me rappelle plus que ses vains efforts pour me griffer le visage avec ses “grands ongles crochus”, en un temps où j’étais déjà plus fort qu’elle, et lui tenais ferme les deux poignets. Mon père n’était pas, lui non plus, bien costaud, mais ce n’était pas son genre de risquer son trône au bras de fer, et je ne sais où, ni sous quel nom, j’ai déjà conté que les écailles nous tombèrent des yeux un jour de fête avec mes frères, mon oncle et ses filles : tous les mâles se mesurèrent aux cornes de taureau, un jeu forain censé jauger votre force physique : tonton Pim obtint le maximum, “Ursus”, je crois bien, papa un médiocre Pioupiou, et moi, à ma grande stupeur, un Para (de quand pouvait dater ce jeu? La guerre d’Algérie était encore proche), catégorie “très fort”, pas loin de l’Ursus supposé. Je jubilai sans m’en faire accroire, et supposai l’engin détraqué, ce score contredisant par trop mon expérience ou mes préjugés : j'avais déjà élu la parole comme mon royaume, et méprisais dès lors la supériorité musculaire; mais papa, après avoir expliqué d’une voix blanche que lui, quand il envoyait la purée, devenait méchant et pouvait faire mal, ne me toucha plus de sa vie.

     Est-ce que les fessées, privilège paternel sur lequel seul le bonhomme Retail, personnage truculent, sans doute adepte avant l’heure du bordel créatif, se permit d’empiéter, me plaisaient? Quand on montre son cul, et fait le nécessaire pour qu’il soit fustigé, la passivité et le masochisme viennent tout de suite à l’esprit, relevés d’un soupçon d’homosexualité quand les exécuteurs sont tous des mâles. Mais va-t-on taxer de “passivité” tous ceux qui se sont laissé guillotiner, ou, plus déconcertants, qui ont creusé docilement leur tombe avant la rafale? J’ai consenti aux raclées de mon père, médiocrement douloureuses, administrées sans colère, très probablement sans plaisir, simples exécutions de verdicts dont il n’avait pas prononcé la moitié, et qu’il ne se cachait guère de désapprouver. Si j’avais résisté, flanqué une trempe au vieux, je me serais mis dans un mauvais cas, et je crois qu’il relevait d’une prudence élémentaire de ne pas contester son pouvoir de la façon, seul crime qu’il ne m’eût pas pardonné. Bon, soit, certes, je n’y ai même pas songé. Mais si je l’ai haï, ce n’est pas pour des châtiments corporels bénins, que j’estimais légitimes, et dont je n’ai jamais cherché l’équivalent ensuite, bien qu’une certaine inertie face aux baffes reçues, pour la plupart symboliques, suscite la question : « Mes bravades n’ont-elles jamais fait que quérir la bride? » Mais je crois pouvoir répondre que non, que je provoquais pour me rendre intéressant, et que c’est le souci d’omnipotence ostensible qu’il faut incriminer de chaque renonciation à une riposte et à la bagarre : à risquer la défaite, je préférais affecter de mépriser l’offense.

     Il n’est pas exclu que je me sentisse flatté d’être distingué, aussi bien par mon père que par mon instituteur : si j’ai un doute pour l’école, les fessées m’étaient à très peu près réservées à la maison, où, exécutées parfois au martinet, le plus souvent à la main, sur cul nu, elles sont sujettes au soupçon, ayant précédé les “séances” qui, dans mon esprit  troublé d’alors, n’avaient rien d’innocent! Mais, le tabou étant connu, la recherche de distinction, une fois de plus, ne faisait que prendre le contre-pied des us, pour capter par la bizarrerie un ersatz de l’admiration à laquelle je ne pouvais atteindre par l’excellence. J’ai pu affecter le masochisme, jamais je n’ai aimé la douleur en soi, ni seulement atteint le niveau de ce voisin de table éphémère qui, pour m’épater, se plantait en classe des agrafes (ou au moins une!) dans la pulpe des phalangettes. Ça m’est arrivé une fois par inadvertance, et je vous fiche mon billet que je n’aurais pas récidivé volontairement! Si j’ai eu tant d’accidents dans mon jeune âge et au delà, c’est que le besoin d’étonner me faisait perdre la tête, une tête qui ne fut jamais bien fixée, et n’évaluait pas les périls. Mais je ne me suis pas exprès ouvert le genou jusqu’au tendon, ni précipité au devant d’une voiture dont le phare m’a loupé de très peu l’œil valide, ni délibérément écrabouillé les doigts en fonçant sur un mur avec un vélo aux freins nazes. Pas plus que plus tard je n'ai exprès ​​​​​​​froissé tant de tôle au volant, ou ne suis tombé, à Maurice, du presque haut d'une falaise qui se barrait en arène. Un degré élevé d’angoisse me rend au contraire sensible au moindre aperçu de douleur à venir, et, que j’aie vraiment mal, ou seulement que ça se dessine, quelques bonnes résolutions que j’aie pu prendre, gare à qui demanderait des nouvelles de ma santé! Ça déferle, et de fait, la simple expression d’une compassion suffit souvent à me soulager du pire – mettons du pire que j’ai connu à ce jour. Mais tant qu’à faire, je préfère encore me plaindre d’une douleur fictive. Bien sûr, je n’ai pas les moyens d’affirmer que mon père allait jusque là. Mais il arrivait à se prendre pour un stoïcien tout en geignant d’un bobo.

     Je ne saurais me piquer d’avoir réglé son compte au masochisme psychique, ni proscrire la possibilité de voir surgir, dans cette cauda même, l’idée lumineuse qui subordonnerait tous mes symptômes à une haine de soi qui pour l’heure ne me présente qu’un sens mou et superficiel. Mais au point où j’en reste depuis le chapitre que j’ai consacré à l’ennemi intérieur, je pense qu’il sert surtout d’excuse à l’erreur et à l’échec, qu’il remet, ne fût-ce que théoriquement, dans la dépendance, ne fût-ce qu’inconsciente, du moi : O.K., j’ai merdé, mais c’est que, quelque part, je le désirais. DONC, si l’on en sonde les implications, que j’aurais pu faire beaucoup mieux, voire tout ce que j’aurais voulu : si ça n’est pas le discours typique de l’omnipotence… Je m’attends d’ailleurs, au cas où Il m’attendrait Lui-Même au tournant, à ce que Dieu me serve : tu savais bien que tu te damnais, Je t’ai assez averti – et à acquiescer inutilement, la contrition restant hors de ma portée. Mais non, désolé, je n’ai pas fait tout ce que j’ai voulu. Et si j’ai souvent joué au con, c’est surtout pour éviter de l’être malgré moi. Il est même des jours où j’estime qu’attendu les cartes qu’on m’avait distribuées, je ne m’en suis pas si mal tiré – si ce n’est que les “cartes” et “je”, c’est tout un.

     Quant à l’homosexualité, je vais la remettre elle aussi à un improbable plus tard. J’en ai plus que marre de cette scie de sexualiser des attitudes de soumission bien antérieures à l’éclosion d’une sexualité, disons, génitale : à l’époque de ces fichues fessées, et peut-être du désarroi le plus vif touchant ma valeur, je connaissais l’amour mutuel, sans tabou, mais, autant que je me souvienne, tranquillement platonique, avec une Annie qui donnait mon nom à ses poupées : c’était sans doute du cinéma imitatif, mais qu’imitions-nous donc, que nos parents, quand, à six ou sept ans, voire plus tôt, nous scandions devant eux, main dans la main : « Nous allons nous mari-er! »? Je regrette que la mémoire ne me restitue rien d’intime de cette idylle précoce qui, en dépit d’éclipses, perdurait à onze ans; il n’en émerge pas moins une évidence : que la condamnation de naissance, ni l’inhibition des premiers pas n’avaient rien d’avéré, dans ce qui deviendrait leur jardin d’élection avant même l’inaccessible Claire : vers huit ou neuf ans, avec ma cousine Catherine, si la réciprocité ne fait, rétrospectivement, aucun doute, et si l’incuriosité des corps était égale, je présume, de part et d’autre, la peur du râteau m’était venue, et l’échange d’aveux fut éludé. Je n’en retiens, pour le moment, que ceci : il se peut que je censure, mais je ne me rappelle pas avoir aimé, quelque sens que je donnasse alors à ce vocable, qui que ce soit d’autre qu’une fille, et se scruter l’homosexualité, dans un cas comme le mien, sur la base de dégoûts considérés comme l’équivalent de désirs, équivaut à se vider de tout ce qu’on est pour installer la Parole de Freud dans un soi démeublé. Les questions, toutes théoriques, pourraient commencer aux dégoûts comparés, genre : un ado ou une vieille? Mais quel intérêt? Je me suis affreusement mal débrouillé avec les femmes, c’est un fait. Mais ce n’est pas parce que je désirais des hommes, ou souhaitais être désiré d’eux. Je sais bien que l’immense ennui que m’inspire le sujet est suspect en soi, mais j’ai beau jeter dans mon chaudron de sorcière le trou noir d’une initiation pré-sexuelle qui m’a converti au protestantisme, mais dont ma mémoire n’a rien conservé, le visage de jeune fille que je me donnais devant le miroir de la salle de bains rien qu’en me plaquant les mains sur les oreilles (sans jamais oublier que j’en aurais préféré une mieux), la féminité dont mes rêves ont longtemps persisté à affubler tous mes frères, celle, plausible selon les mœurs du temps, de ma propre attente passive de qui voudrait bien m’aimer, le goût que j’ai de m’habiller de flottant, une lecture de la révolte comme soumission déniée, et cette passion des lesbiennes qui peut tout signifier, que je me vois comme l’une d’elles, ou que je censure le pénis dont je n’ai pas réussi à m’emparer, et le plaisir coïtal que je n’ai jamais su dispenser; j’ai beau touiller et retouiller ces ingrédients et quelques autres sur les fournaises infernales, aucun éclair de compréhension ne jaillit de cette cuisine. Et merde. J’ai formulé, et n’écarte pas, l’hypothèse que mon père se soit effrayé de mouvements de tendresse à son égard dont mon disque dur ne garde aucune trace, et gendarmé contre, sa répugnance étant certaine à l’égard des homosexuels : ai-je pris un mouvement de recul pour un rejet? Ça reste possible. Mais alors, attendons la naissance du désir, du vrai, pour revenir au sexe, et titrons plutôt… Mon père, ce zéro au sourire si mou? Le bon goût n’est pas obligatoire, la piété filiale non plus, mais est-il bien nécessaire de les éliminer tous deux dès le titre? Règlement de comptes entre deux décès? Le père qui pis? Papa post mortem, ou la voix des os? Ça me rappelle Ne vois-tu pas que je brûle?, avec ses vieux sacs beiges de la Banque… Il me semble que j’étais plus créatif en ce temps-là… Écoute, on finit ça, n’importe comment, de toute façon ce sera mal, et on verra si la page blanche nous inspire encore… En attendant, j’emprunterais bien son titre au zoologiste Gerald Durrell, le frangin de Lawrence : My family, and other animals, mais il faudraitrenoncer aux trois quarts de sa délicieuse pertinence… Donc, ne présumons de rien, restonsclassique :

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Commentaires
Inventaire avant liquidation
  • Conclusion de la longue auto-analyse d'un narcipat incapable, 4 ou 5000 pages après le premier mot, de préciser ce qu'il a d'universel, de groupal ou de singulier. Un peu longuet, pour un constat d'échec! Mais je n'ai rien d'autre à proposer.
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