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Inventaire avant liquidation
19 janvier 2019

Nouvel épisode de rétention : reDieu et resuicide

     Mais cette digression m’a pris comme une chiasse : au début mai, je parlais donc des efforts que je me promettais mollement de faire en direction de Dieu, et Il sait que le thème n’était pas neuf; l’étrange est que reprenant ce bilan six mois de pitoyable “travail” plus tard, je sois saisi d’un bis de mon accès dépressif, et forcé de m’arrêter à cette notion de clivage que j’ai toujours chahutée, rétorquant le devoir de douter : on dirait par instants que je “crois” en Dieu comme je croyais jadis en mes compagnes : à la fois totalement et point du tout. À défaut de rétribution, je n’en démords pas, il n’y a aucune raison individuelle de faire quelque bien que ce soit aux hommes… sauf que tout de même ça vous colmate les brèches qu’ils vous tiennent pour probe, fiable, généreux et compassionnel, à défaut de mieux, et avec ce revers qu’en général, quand vous vous préoccupez du bien public, et le faites passer avant le vôtre propre, vous n’y gagnez qu’une réputation de fourbe ou de pigeon.

     Toujours est que j’ai de nouveau lâché prise, jeudi 18 octobre, incapable d’ajouter un mot, me peignant ça pour définitif (d’autant que s’interposent six mois d’été, ou quasi, les plus propices, pour moi du moins, à “l’art serein”, et durant lesquels je n’ai fait que ravaler les façades de mon “monument”) repris de pensées suicidaires intimement liées à cette nullité qu’il est tant de moyens, cependant, d’endurer… J’ai opté, sans vraie raison, pour un Chandler plus ou moins oublié, et, au jour le jour, ça peut durer, ç’a souvent duré, longtemps comme ça… Le lendemain, état néant : + 3600 signes, parce que j’ai trompé mon angoisse en ravaudétoffant. Et samedi matin, je ne pouvais plus pisser.

     D’abord, je n’ai pu le croire. J’attendais l’assaut de l’hiver d’un pied rien moins que ferme, mais ma science s’était persuadée qu’elle n’avait rien à craindre dans une chambre dont la température n’avait pas chu sous 21. Même dehors, il faisait seize, par là. J’y crus si peu que je repris un Avodart – ou plutôt le chinajunk qu’on nous refile à sa place depuis qu’il est entré au domaine public – en le faisant passer d’un trait de ristretto, puis une douche, pour l’effet entraînant qu’elle a souvent. Au bout des torsions et des massages, vint l’heure du premier tram, qui, quelques années siècles mois bon, ça va, oui? C’était pour éviter la répétition… en temps objectif, une heure et quelque plus tard (vous ne trouvez pas ça long, vous, pour six ou sept bornes avec un changement? Mais je ne regrette pas ma virée pedibus de mars dans la neige fondue), me déposa à quelque distance de mes chères Urgences, où je fus traité à merveille, comme toujours, si l’on excepte l’épisode d’attente, qui semble un must de leur chorégraphie, et qu’ils firent à ce point durer, cette fois, que je leur infligeai moi-même un récital de gémissements, lesquels certes me soulageaient, mais dont je me privai fort bien dès qu’on entra me faire la causette, assez tôt somme toute quand on songe à toutes les blouses blanches qui glandent en ce lieu, qui peuvent la faire entre elles, et ne s’en privent pas. Se pointa enfin une fofolle poussant un partenaire à roulettes… « Jour, M’sieu! J’vais vous faire une échographie pour vérifier une suspicion de rétention »… J’eus à peine le temps de protester : au premier contact, « Oh là là! En effet! » sonna comme un coup de cymbales, et dès lors le corps de ballet consentit à se remuer le popotin, et à remettre à l’après-sondage l’étudiante prévue pour amuser le tapis. Je crois tout de même que l’infirmière fort affable qui opéra m’a mis l’estocade aux tripes : à en juger par la fournaise sans fièvre et l’envie de pisser permanente qui me possède assis ou couché, je ne suis pas loin, pour ma part, de la suspicion de récupération… d’une sonde mal ressuyée d’une blenno, par exemple. L’ECBU dira son mot, et je suis curieux de le connaître, si je vis jusque là. Mais il se peut simplement que la drôlesse ait surgonflé son ballonnet. Et il va sans dire qu’à présent doté d’expérience, il n’est pas question que je retourne aux urgences pour ne serait-ce que paraître leur reprocher un lapsus clysteri : une fois m’a suffi, dont j’ai rapporté des tripes constipo-diarrhéiques, qui ne me lâcheront, dirait-on, que quand je serai froid, et qu’un supplément d’infection ne fait, au fond, en cet instant, que survolter. Cela dit, la traversée du dimanche, comme l’a nommée Boris Schreiber, est moins tempêtueuse que celle du samedi : au moins sais-je qu’on survit à la nuit, et que le sac s’emplit quand on perd conscience.

     Mais Dieu m’offrira-t-il une, deux, dix nuits aussi paisibles que la précédente? S’Il n’annonce toujours pas ses tours, on peut comprendre qu’hier, en panne de raisons scientifiques, ou au moins de bon sens, j’aie pu verser, une fois de plus, dans la superstition. La “réponse” à mes conneries avait un peu tardé, soit, puisque la surveille, je ne faisais que les relire; mais comment n’en pas donner la teinte, ne serait-ce qu’à titre d’hypothèse, à l’événement? Oublier cette corrélation à la Des Barreaux, du reste, ne m’apaiserait qu’à demi. De la 1 à la 2, deux ans et quatre mois; de la 2 à la 3, huit mois; en ligne directe, où ça nous mène? J’ignore les termes dont il faudrait user, mais une simple règle de trois… 8 = 28 Ψ ; Ψ = 8/28 = 2/7 ; Ω = 8 x 2/7 = deux mois et une dizaine de jours. Tiens! J’aurais dit moins… Dommage que Denis ne soit plus là pour m’avertir que mes maths merdent. Mais si l’on poursuit cette courbe asymptotique (c’est bien ça?), R5 se produirait trois semaines plus tard, et R6 n’attendrait plus que cinq jours et demi. Je ne redoute pas le bistouri au moins de m’infliger un pareil programme. Naturellement, ma prostate sera peut-être complètement guérie la semaine prochaine, mais il faut faire avec ce dont on dispose, c’est-à-dire une seule vie humaine, avec OU sans opération. Che sera sera, et ça seul.

     Ce qui ne me convertit nullement au fatalisme : bien qu’après intervention, et en attendant les résultats des analyses, divers acteurs du système de santé, plus intéressés à tailler le bout de gras qu’à s’occuper des souffrances qui retentissaient dans tous les coins, m’aient honoré d’une petite visite, il m’est resté assez de temps serein pour méditer sur les causes; et à peine mon clapier regagné, elles me sautèrent au cou : la “capsule molle” de l’espèce de chinajunk qu’on nous fourgue en guise d’Avodart depuis qu’il est tombé dans le domaine public (et dont je ne devrais pas dire que du mal, puisqu’elle vient de démontrer a contrario son efficacité) était restée collée à la paroi de plastique de l’ex-présentoir à cure-dents que j’utilise pour avaler d’un coup toutes mes pilules, à l’heure du somnifère. Ce n’est pas la première fois que ça se produit, et le soin de secouer ce récipient en m’enfournant son contenu dans le clapoir est devenu machinal; à l’évidence il a été omis vendredi, ou n’a pas suffi, et aurait dû s’accompagner d’une inspection visuelle. Le fait conserve cependant une nuance supra-naturelle : il ne s’agit pas de chewing-gum, ou de quelque gadget conçu pour adhérer aux surfaces, je n’ai pas frotté la capsule à ma manche pour obtenir de électricité statique, Dieu n’est donc pas tout à fait renvoyé dans les cieux. Mais enfin, comme Laplace, « je n’ai pas besoin de cette hypothèse »… en attendant la prochaine claque! Car, même sans l’hypothèse en question, si, par un octobre où l’été s’attarde, l’oubli d’une caps vous expédie aux urgences, la vie risque de ressembler sous peu à un champ de mines! Alors? Est-ce le glas qui sonne?

     J’ai mis de côté sept flacons de Laroxyl opérationnels jusqu’à septembre 2020, alors que la dose indiquée par le Suicide mode d’emploi est de cinq. Le tout n’atteint pas un tiers de litre, mais avaler un bock sec de cette potion confine à l’impossible, du moins sans la diluer dans des litres d’eau, de bière ou de vinasse, tant elle est amère; or sa notice de la déconseille pas, mais littéralement l’interdit aux prostatiques : il n’en faut pas plus pour la reléguer, précisément, aux jours heureux où je porte une sonde, de sorte qu’il était plus ou moins convenu entre diverses composantes du Soi qu’“à la prochaine” je me tuerais ainsi. Et ça roulait à merveille dans mon petit monde intérieur, tant que cette prochaine ne s’était pas faite actuelle. Or voyez dans quelle situation je me trouve : le recours au scalpel se profile dans un avenir proche, aussi bénin que l’hypertrophie à laquelle il est censé mettre fin, mais avec son cortège de douleur, de perte de temps, de dépendance, d’humiliation, et ses séquelles possibles; et le reste de ma carcasse ne relève guère mon bulletin. Outre quoi, je suis brouillé à mort avec à peu près tout le monde, des salauds professionnels à ceux qui m’étaient les plus chers, et la solitude ne me convient pas à temps tout à fait complet; je suis à faire peur,depuis que mon dentiste m’a arraché la moitié du maxillaire supérieur : je ne le distingue pas au miroir, mais quand je me fais tirer la tronche par l’ordi, je découvre un cadavre vicieux, un portrait de damné auprès duquel les horribles photos prises par ma nièce il y a quatre ans seraient presque séduisantes : sincèrement, je sortirais et respirerais plus volontiers en niqab ou en burqa; au cœur du marasme enfin, le fantôme d’une “nullité” toujours revenante, sur le thème du talent perdu, ou dont je n’eus jamais que la présomption; greffons sur ces généralités la vive gêne du jour, et l’angoisse précise du lendemain, la nécessité d’arracher un rendez-vous à Mossieur le Professeur, alors que tout sera pris jusqu’au printemps, d’affronter les infirmières revêches du département d’urologie, de me désonder tout seul, parce que je n’ai la force ni d’arracher qu’on vienne me voir pour des cacahuètes, ni de proposer un supplément : bagatelles pour les habitués, dont je me fais une montagne… n’est-ce pas le moment de partir? Apparemment non : je n’en ai pas la moindre envie, et comme j’en caressais justement l’image avec complaisance la surveille, il faut bien que je me demande si cette partie-là n’est pas, elle aussi, clivée.

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Commentaires
Inventaire avant liquidation
  • Conclusion de la longue auto-analyse d'un narcipat incapable, 4 ou 5000 pages après le premier mot, de préciser ce qu'il a d'universel, de groupal ou de singulier. Un peu longuet, pour un constat d'échec! Mais je n'ai rien d'autre à proposer.
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