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Inventaire avant liquidation
3 mars 2019

De l'hypocondrie à la peur de manquer

     Non seulement la mauvaise foi règne en maîtresse à la fin, un peu trop visible (j’ai eu beau consacrer des heures à cette bafouille, je n’en ai sans doute pas pris assez pour négocier le virage de “Vous êtes seul juge” à la demande réelle, qui se cache mal d’être une décision incassable. Je n’aurais pas eu l’air fin devant une insistance! mais tout le monde sait à quoi s’en tenir, et on avait tout le temps de me remplacer. Encore ai-je préféré censurer la crainte d’une infection nosocomiale, sur laquelle l’échographiste n’avait pas eu besoin d’insister bien fort. À quoi bons, tous ces coups de lime, précautions et prosternements, puisque de toute façon je n’oserai plus prendre sur moi de me représenter devant le Ponte? Bah, rien n’est moins sûr, le Temps est un grand maître. Du reste, allons au bout de notre délire mégalomaniaque : renvoie-t-on à la niche un styliste comme moi? On croirait la 4ème de couv’ d’un bouquin de Peyrefitte, mais notez que le cheptel duquel je suis censé me détacher n’est pas exactement le même. Peyrefitte se prenait pour le plus grand styliste de son siècle, et moi seulement du quartier.

     Est-ce que mon potard favori, objet d’une haine dont je n’ai mesuré l’intensité qu’après son départ, avait vraiment poussé le culte de la marge bénéficiaire jusqu’à la récup’ d’Avodart avarié? Même les deux sous-fifres à qui j’ai posé la question, et qui se défoulent de médisances longtemps jugulées, ou réservées à l’intra-familial, ne vont pas jusqu’à avaliser ce soupçon [1]. D’ailleurs, en dépit de l’affectation de “tout dire”, je n’ai pas oublié que le destinataire de ma lettre passait son courrier à ses secrétaires pour exécution, desquelles escomptant plus d’admiration encore (sans exclure de leur fournir plutôt une bonne tranche de rigolade), j’ai soigneusement tu l’autre cause de dysurie que j’avais fini par isoler à force d’expérimentation, à savoir la branlette, disons les misérables vestiges qui en subsistent. Je persistais en effet, jusqu’à une date récente, en dépit de mes rodomontades andropausiques, à bandocher vaguement quand j’en prenais les moyens, visuels et/ou manuels, et si c’est ce qu’ils appellent rétro-éjac, dans leurs laïus du ouaibe, non seulement le détournement de semence ne laisse de l’orgasme qu’une ombre, mais en outre il fait barrage à la pisse. Je ne suis pas spécialement fier d’être devenu  un chapon, et d’avoir mis ma collection de porno définitivement au rancart. Mais si c’était ça ou se faire charcuter, pas photo les poteaux, et si la vie présente encore quelque agrément sans ce plaisir-là, il n’est pas question que je me tue, si loin que ça puisse me mener.

     Mais oyez-en une assez marrante, je trouve : pas plus tard qu’hier matin, je clique l’icône de ma banque pour voir si un prélèvement a été effectué : impossible d’obtenir le site, ni même son portail d’entrée. En seize ans, l’événement ne s’est jamais produit. De temps en temps, on refuse de reconnaître mon numéro de client, ou mon mot de passe, mais j’ai toujours accédé aux niaiseries de l’accueil. Bon Dieu, auraient-ils fait faillite? J’ai tout mon fric dans cette banque! Déjà ça me pince de lire un personnage de roman perdre son fric ou le dilapider. Un notaire d’Ingouville, détenteur de fonds à la veuve Dubuc, s’embarqua par une belle marée, emportant avec lui tout l’argent de son étude. Brrr.Mais quand il n’est plus besoin de projection ou d’investissement pour qu’il s’agisse de moi, la cafetière me pète, et ce n’est pas cette malheureuse queue de baleine qui pourrait lutter : me voici délaissant mon trôvôil et parcourant le Web en quête de “banqueroute”, puis de “bug informatique” : rien, les infos datent d’années. Seul un “down detector” relaie les plaintes en temps réel – à raison d’un ennui sur mille ou dix mille, probablement, attendu la nécessité de s’identifier. Mais je suis d’un autre âge, et dois noter, pour l’occasion, le handicap que ça peut constituer, de bouder Facebook et Twitter, où le dazibao est prohibé, du moins le supposé-je, puisque ça sert d’abord à retrouver les gens, et à afficher une popularité perso. Bah, l’âge n’ajoute guère à l’isolement : s’il suffisait d’avoir un pote et de lui signer un chèque, pour éviter de se retrouver à poil, précisément l’année de tous les débours, à qui donc recourrais-je?

     J’ai beau me triturer la cervelle, qui ne fut jamais fertile en un domaine dont j’ignore à peu près tout, je ne trouve aucune parade au dénuement immédiat et total, si vraiment la Caisse d’Épargne est dans les choux sans fleurs. Et la nuit s’égrène de texte en texte, dont je ne lis guère que les gros titres… lesquels suffisent souvent à me convaincre de ma connerie : mon matelas n’est protégé (et encore) qu’à hauteur de cent mille balles, chiffre que j’ai presque doublé dans une banque unique, au surplus sur des livrets qui ne me rapportent rien, alors qu’il était si simple de le couper en deux… À neuf heures moins le quart, je me saisis du bigophone : « Ouais, c’est un bug informatique, moi non plus, ce matin, j’ai pas pu m’ connecter. – Pas une faillite, Vous êtes sûre?  – Hé là! Je tiens à mon emploi! – Et moi à mes fonds : je les ai tous chez vous. – Vous en faites pas : ça va s’arranger dans la journée. » J’ai cru reconnaître la voix d’une jeune femme que je n’ai vue qu’une fois, qui semble avoir été tirée du ruisseau pour être juchée à la tête d’une agence en voie de fermeture, et ne répugne pas à assurer la permanence. Quoiqu’assez laide et têtue comme pas permis, elle m’avait bien plu, mais je n’en avais pas moins manqué à la parole solennelle de l’appeler incessamment pour prendre un rencard qui ne pouvait que nous brouiller, leurs placements rivalisant de défaut d’intérêt(s). Et cette fois encore, ses arguments ne valent pas tripette, il n’en est qu’un qui m’interpelle, c’est qu’elle ait décroché immédiatement. En cas de crise grave, je suppose que la ligne serait embouteillée…

     La surprise poursuit sur son erre quand je décide d’ouvrir un compte n’importe où, et à cette fin, de passer d’abord là-bas faire un virement interne, si c’est encore possible. Chose étrange, inquiétante si l’on veut, l’affluence à rebours se poursuit : il n’y a personne, ni client ni employé, et c’est bien la drôlesse à qui j’ai fait faux bond l’hiver dernier qui m’accueille, apparemment sans me reconnaître, ce qui, avec la gueule que j’ai, est devenu plutôt flatteur. « Vous avez accès aux comptes clients? – Mais oui. – Vous pouvez me faire un virement interne? – De combien? – Quinze mille. » L’occasion d’apprendre que “de chez moi” je n’aurais pu en dépasser cinq! Comment pouvons-nous souffrir une chose pareille? Il y a un siècle, en Amérique du moins, qui se pointait à la banque retirait tout son fric au moindre doute, et en or s’il l’exigeait. Actuellement, même un qui, comme moi, s’est refusé à placer par goût de la liberté, est ligoté de tant et tant de réglementations en petits caractères que si une affaire juteuse s’offrait, à saisir dans l’heure, il ne pourrait la réaliser sans l’accord de son banquier. Sur ce, le père Nanti rend  le micro, à moins qu’il n’ait nul besoin de contradicteur pour trouver tout seul du progrès à cette entrave aux paniques d’antan. Et pour ce qui me touche très personnellement, si je peux transbahuter ailleurs le chouïa que j’ai dit, d’abord ça me fera de quoi vivre un an, et surtout ce sera signe que la  santé de la banque est inaltérée. Beau prétexte : en vérité, la drôlesse m’en impose, je n’ai pas les couilles de me reprendre et d’exiger le transfert de quatre-vingt mille autres balles qui dorment sur ce même livret B, suant à chaque Saint Sylvestre le prix d’un réveillon au boui-boui du coin, arrosé de blanquette de Limoux.

 

[1] En revanche, contrevenant au principe rappelé quelques pages plus haut, j’ai, en affectant de le savoir déjà, manqué l’occase d’apprendre de quels poignards (ou fléchettes) ce type soi-disant si féru de mon humour me hérissait le dos à peine tourné. Je n’ai sans doute pas perdu grand-chose, on eût hésité à me livrer le pire, n’empêche que voilà un ennemi des apprentissages qu’il ne serait pas si malaisé de combattre… Quelque formule comme « Ah! Tiens tiens! lequel de mes innombrables défauts prenait-il pour cible? » ne m’écorcherait tout de même pas la gueule…

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Commentaires
Inventaire avant liquidation
  • Conclusion de la longue auto-analyse d'un narcipat incapable, 4 ou 5000 pages après le premier mot, de préciser ce qu'il a d'universel, de groupal ou de singulier. Un peu longuet, pour un constat d'échec! Mais je n'ai rien d'autre à proposer.
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