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Inventaire avant liquidation
7 mars 2019

Mon système économico-politique

     Mais en vérité, à moins qu’il ne m’arrive des tréfonds une histoire qui m’illumine, je n’éprouve pas le besoin de narrer du neuf; j’aimerais plutôt profiter du laps de liberté qui m’est offert avant le gâtisme intégral pour me renseigner un peu mieux sur la face cachée d’un monde qui court comme un dératé à sa perte – bien que pas le moindre îlot des Maldives n’ait à ma connaissance été submergé à ce jour – et dont l’organisation socio-politique, pour ce que j’en vois, implique un mensonge “constantutionnel”, puisque de droit la démocratie règne sur une part croissante de la surface terrestre, et qu’au lieu de déboucher sur le bien-être du plus grand nombre, elle s’accompagne d’une concentration concomitamment croissante des richesses et du pouvoir entre les mains d’une fraction infime de l’humanité – fraction qui bien sûr vous répondra, par la voix de ses journaleux, convaincus ou stipendiés, primo que l’inégalité est d’abord talentuelle, ensuite qu’il faut ça pour donner du travail aux gens, travail dont on persiste à nous faire une obligation vivrière, alors que si l’on additionne les mineurs, les chômeurs, les retraités, les rentiers, les emplois fictifs et les fonctionnaires qui ne foutent rien, il n’y a pas un Européen sur trois qui bosse encore! Le mantra du libéralisme triomphant, c’est qu’il n’y a que ce système qui marche, qu’on veut bien se décarcasser pour sa famille, mais pas pour une collectivité plus étendue; et que les “talentueux” entrepreneurs certes se servent les premiers, mais sont la providence des lieux où ils s’installent pour faire suer le burnous. Comme on a besoin de moins d’humains pour une production identique, libre à nos bienfaiteurs de nous serrer la vis, et le boulot devient de plus en plus déplaisant. Certes, en tant que parasite dont l’effort d’écriture, mais peut-être aussi bien d’enseignement, n’a profité à personne, et qui aura réussi à se rendre inutile sans même avoir goûté de la paresse, je suis mal placé pour contester le Nouvel Ordre Mondial, 

                                    Qui ressemble à l’ancien

                                    Comme un va à un vient

et me laisse de quoi vivre dans l’inutilité depuis 70 ans, bien que logé à l’enseigne des sans-caisse et des revenus misérables. Par ailleurs, mes positions politiques semblent en contradiction avec, d’une part, mon immoralisme individuel, et, de l’autre, la conviction que les hommes d’exception ont des droits spéciaux, au moins celui d’œuvrer pour actualiser leur potentiel, conviction qui se regauchise si l’on veut bien préciser que ce potentiel ne ressort que des résultats, donc qu’essayer devrait être un droit pour tous – lequel ne débouche nullement, en cas de réussite, sur ce que sont les privilèges actuels des réciproclamées élites qui, des P-D G dégraisseurs aux présentateurs-télé, en passant par les ténors de la politique, ont pour caractéristiques communes les revenus exorbitants et l’absence complète de tout autre mérite que leurs carnets d’adresses. Il est vrai que du temps de Montaigne ou de Spinoza, l’élite, c’était un tas de souverains nuls, de Grands cons comme des balais. Mais la méritocratie ne faisait que naître… et l’on n’imagine pas Montaigne ou Spinoza, quand ils écrivent, viser aux pépètes. Proust non plus, d’ailleurs. Ni Sartre.

     Je ne puis soutenir sans rire que j’aspire au communisme, moi qui persiste à m’offrir de pesants coffrets de CD alors que pour un abonnement modique j’aurais toute la musique à ma disposition sans la posséder [1] : les habitudes jouent, mais sans doute avant leur naissance étais-je déjà du genre à thésauriser l’évanescent. Je pense pourtant que j’aurais pu me faire à ne posséder rien, mais en l’état, prendre position contre toute forme de propriété matérielle ou scripturale serait d’une radicalité factice. Poser un plaf pour tous à hauteur de mes épargnes manquerait de sérieux, mais je ne sors pas de là, certaines fortunes, qui se muent en pouvoir, devraient être hors-la-loi : gagner un million en une vie, c’est déjà tangent; un milliard, on l’a volé; a fortiori en quelques secondes, le temps de passer une cinquantaine d’ordres d’achat et de revente. “Ça fait marcher l’économie”, my butt! Mais, touchant l’efficience du travail, je suis partagé, ayant côtoyé dans l’enseignement trop de gens, disons bien : une majorité, qui n’ont jamais rien enseigné à personne, et auraient pu, éventuellement, y réussir, si leur travail avait rencontré une sanction quelconque; mais qui en aurait jugé? Les élèves, leurs parents, les chefs, un inspecteur, un examen? Tous les contrôles péchaient d’une manière ou d’une autre, et devaient, au minimum, être eux-mêmes contrôlés. Au surplus, il n’est pas dit que la faculté d’éveiller les esprits et de transmettre des connaissances n’eût besoin que de motivations pour se révéler. Je suppose qu’un grand nombre de boulots échappent de même à toute évaluation de leur rentabilité. Et quand elle est stricte, elle ne tient le plus souvent compte du bien public que par les rentrées qu’il assure au patron. Il n’en demeure pas moins que dans une société de la concurrence, il serait insensé d’espérer du zèle sans sanction, sans l’intéressement au résultat qui touche directement tout patron d’entreprise, et qui devrait se transmettre d’échelon en échelon, sans exclure le lourdage des imbéciles et des saboteurs. À côté de quoi, à la enième nouvelle d’un dégraissage massif, dont le “talentueux”, voire “génial” P-D G s’est récompensé en quadruplant son propre salaire, je prends vapeur, comme dirait Brétécher. Et comme je ne vais pas essayer spontanément d’accorder les violons de mon propre orchestre de chambre, j’aurais aimé intéresser la partie moi-même en en faisant l’objet d’un texte plus ou moins “littéraire” qui m’autoriserait à fouiller un peu le Ouaibe à la recherche des brillantes-sous-le-boisseau cervelles qui se seraient attachées à résoudre cette quadrature du cercle.

     Mais les îles d’Utopie où tout va au mieux me rasent à donf : c’est moins à ce qu’il faudrait faire que je voudrais m’attacher qu’à la dénonciation des impostures qui règnent sur l’opinion, ou du moins sur le discours de ceux qui se proclament ses porte-paroles. Crichton a défrayé la chronique en 2004 en niant le réchauffement climatique : oserait-il fin 2018, un demi-degré plus haut, et au sortir de trois délicieuses canicules? Celui que la presse unanime nous présente comme un maboul couronné ose, lui, et c’est plus grave, attendu son pouvoir de nuire. Il n’en est pas moins sain de secouer l’établi. Mais c’est un autre legs que je voulais aborder : il y a des années que lorsque j’entends revenir l’antienne de la sacro-sainte Dette que nous allons laisser à “nos enfants”, et qui s’accroît sans relâche d’intérêts surcomposés, je demande, en tempérant au mieux mon acrimonie : « Mais à qui doit-on tout ça? » Il n’y a pas de dette sans créancier; or, nation par nation, pas besoin d’être grand clerc pour s’aviser qu’à très peu d’exceptions près toutes “doivent”, et je me contentais de répondre : « Aux banques », « à Wall Street », voire, en tout petit comité, « aux Juifs », le crime de lèse-Shoah, plus unique qu’elle en son genre, découlant nécessairement d’un pouvoir. C’est assez récemment que j’ai découvert, dans un petit bouquin écrit par deux inconnus chez un minuscule éditeur, par quel mécanisme simple de création de fric e nulla re [2] via le crédit, les banques privées, avec la complicité de quelques législateurs, avaient transformé en vaches à lait la quasi-totalité des peuples du monde. Évidemment, on peut toujours les (re)nationaliser, sauf qu’il faudrait pour cela un minimum d’indépendance qu’en tant qu’État nous avons d’ores et déjà perdue – ce qui limite certains dégâts et en accroît d’autres. Je ne vais pas reprendre le raisonnement d’Holbecq & De Rudder, que vous trouverez ici sequunturque, éminemment pigeable : il faut qu’il soit d’une simplicité biblique, pour que j’y comprenne quelque chose moi-même; et c’est justement là que le bât blesserait, si je l’exposais en mon nom propre – ou que le soi grandiose, disons, pressentirait une souffrance, car la décisive nocivité de cette loi du 3 janvier 1973 (Président : Pompidou; ministre des finances : Giscard; gouverneur de la Banque de France : Wormser. Trois fripouilles, dont deux valets des Rothschild) est tenue pour mythe puéril par “les économistes sérieux”, alias collabos des 200 familles. Ça peut paraître, mieux dire c’est négligeable, mais hélas je n’ai pas changé depuis Le cas Trou, et, pour “me lâcher”, j’ai besoin d’une sortie de secours. C’est d’ailleurs à cette sauce que je mets le mot de Proust à Gide (Journal, 14 mai 1921) : « Vous pouvez tout raconter; mais à condition de ne jamais dire : Je. » C’est l’outrecuidance, et son revers de doute, qui interdisent à l’autobiographie les hardiesses que le roman peut s’autoriser. Mais s’il est des aveux qu’on ferait bien de mettre à l’il pour en mesurer la pauvreté, va-t-on pour autant négliger la poussée que reçoit une assertion de la première personne?

 

[1] Et, bientôt, tous les livres? Ce ne serait pas compliqué à mettre sur pattes. Mais, fin 2018, les prix des “formats kindle” demeurent ridiculement peu attrayants.

 

[2] = l’ex nihilo des latinistes bidons.

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Commentaires
Inventaire avant liquidation
  • Conclusion de la longue auto-analyse d'un narcipat incapable, 4 ou 5000 pages après le premier mot, de préciser ce qu'il a d'universel, de groupal ou de singulier. Un peu longuet, pour un constat d'échec! Mais je n'ai rien d'autre à proposer.
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