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Inventaire avant liquidation
9 mars 2019

Explication paranoïaque de mon siècle et souci de l’au-delà

     Évidemment, je me fous pas mal de qui a tué Kennedy. Ce qui m’intéresse, c’est de décrypter le monde, ou, peut-être seulement, d’y mettre du sens, un sens paranoïaque, c’est bien possible, et doublement, car je suis très loin d’être sûr que des distributions de billets aux ménages, par exemple, remédieraient au déclin du pouvoir d’achat, et ne feraient pas plutôt flamber les prix. Jusqu’à présent, les économistes et les critiques littéraires ont cette caractéristique commune : de s’être somptueusement plantés. Pour les uns comme les autres, le verdict des faits fut presque toujours impitoyable. Loisible d’en conclure que leur “spécialité” est de la foutaise. Mais l’économie ne m’en impressionne pas moins, par la multiplicité des facteurs à prendre en compte simultanément, et que je n’eus jamais l’envergure d’embrasser de mes neurones. Mégalomane, soit, mais pas au point de briguer la dictature : si elle m’échéait (comme au coiffeur de Travelingue dont le monologue final s’achève sur un des plus merveilleux “excipits” de roman que je connaisse), je serais le premier à serrer les fesses, et je ne dis pas seulement dans ma décrépitude déconnectée : il en fut ainsi de tout temps : j’ai beaucoup pratiqué le yaquà, mais en profondeur je n’ai jamais pris mes péremptoirités au sérieux. Sur le sujet qui nous occupe, notamment, je suis loin d’être aussi entier que j’en ai l’air : par moments, restituer à l’État, via la Banque de France, le pouvoir de créer de la monnaie scripturale sans intérêt ne me paraît pas sans péril; et je ne suis pas si sûr de lire dans la loi du 3 janvier 1973 la scélératesse de trois coquins au service de la banque privée plutôt que l’abnégation de politiciens conscients des dangers de la planche à billets; par ailleurs, je ne vois aucun rapport entre le texte du fameux executive order du 4 juin 1963 et l’émission de greenbacks; je n’ai pas l’ombre des connaissances nécessaires pour (in)valider le trajet de la fameuse “balle magique” [1]; et tous les cætera qu’on voudra : ce qui m’intéresse ici, c’est la cohérence d’une Weltanschauung; bien entendu, je souhaiterais qu’elle fût susceptible d’ouvrir les yeux d’autrui, sur des rapprochements,qui, en l’espèce et généralement, m’ont été fournis, et auxquels je n’arrive pas à croire tout à fait, tant qu’ils ne me feront pas retour, entérinés par l’entendement d’autrui. Je n’ai rien contre “Oswald seul”, qui (sans Ruby, toutefois) serait aussi plausible que “Ravaillac seul”, mais strictement sans intérêt. Que la dissidence m’enchante plus que la vérité, ça ne fait guère de doute; cependant, bien que ces comparaisons n’aient pas grand sens, la cohérence me ravit plus encore, et, après treize millions de caracs d’oscillations continuelles, il me semble que ça me délivrerait de me ligoter dans une thèse tentaculaire dont la motivation première ne pète sans doute pas plus loin que le désir de justifier l’échec de ma vie par le “trucage” de la méritocratie au profit des élites en place, mais ça ne se verrait pas trop si j’évitais de céder à la tentation de le dire moi-même, et la précaution de me donner pour simple porte-parole des groupes humains que je serais censé avoir côtoyés écarterait, normalement, le soupçon. Au fond, il n’y a là qu’un retour à cette espèce de revue du siècle que je projetais fin 2014, et que je suis bien le dernier à pouvoir faire, n’ayant jamais observé que mon nombril; mais du moment, n’est-ce pas, que je me travestirais en narrateur de roman, je me sentirais passablement plus à l’aise pour risquer des assertions délictueuses, erronées, stupides, ou moralement tangentes; il serait d’ailleurs habile de renchérir périodiquement sur ma stupidité naturelle pour alléger à l’occasion le risque (très circonscrit, mais comment éviter le sujet?) de condamnation que comporte la “falsification de l’histoire”, sur un sujet très précis du moins. 

     On aurait donc là “une vie dans le siècle”, l’autobio, aussi fausse qu’il est à moi de l’écrire, d’un type convaincu d’être une fourmi dans la fourmilière, faisant sans trop se fouler, et non sans se préférer en mainte occasion, quelques efforts pour apporter sa pierre au bien commun, et peut-être spectateur effrayé d’une montée du narcissisme… sans précédent? Ce serait l’occasion d’examiner cela, et ça ne se pourrait sans retours en arrière, bien au-delà de la longueur d’une vie. Je crois notamment que ma thèse d’un progrès concomitant de l’enflure de l’ego et du respect des casquettes est très sujette à caution : les casquettes, vraies ou fausses (mais surtout les fausses, ce me semble) ont, moins que la presse ne le laisse entendre, mais tout de même regagné pas mal de terrain depuis 68; et l’affirmation de soi ne fut jamais si caricaturale, encore que je sois mal placé pour l’affirmer, car on ne peut être moins humble que je ne l’étais dans mon enfance : même si je n’ai fait que dissimuler mon outrecuidance, elle est au moins plus pertinente qu’à six ans, et plus consciente de son revers d’insuffisance et de déréliction.

     Ouais… En somme, après avoir échoué à me rapprocher d’un millimètre de la vérité sur moi, sujet que je possédais mieux que personne, j’aurais le culot de me rabattre sur mon siècle, dont j’ignore à peu près tout. – Mais c’est précisément pour apprendre… – Soit, il en serait temps. Et le passé a montré que seule m’en donnait le goût la perspective de transmettre… goût vicié par là-même, et pas si ardent. Surtout, je crains que ce passage en revue ne soit fastidieux au possible, si l’on se contente d’une relecture, disons, monodique. D’où m’est venue l’idée d’une autre voix, qui devrait me tenir plus à cœur, puisqu’au point où j’en suis, il serait plus malin de me préparer à la mort que de m’astreindre à supputer que m’eût semblé du monde, si je m’en étais occupé : cette quête de Dieu, que je renvoie aux calendes depuis plus de trois ans, ne pourrais-je la loger là? Non pas en ce sens que je fourguerais du tout fait, mais au contraire que savoir où le fourguer m’obligerait à le faire… À faire quoi donc? Et bien, à lire cette Bible qui reprend la poussière, par exemple, et où je ne comprends toujours pas comment des êtres doués de raison ont pu si longtemps, et peuvent encore, trouver la Source de Tout Savoir et de Toute Vie; et dans la foulée, Coran, Tripitaka, Tao-Tö-King? Je ne tiendrai pas le coup, c’est évident, ou m’offrirai, pour tout mon reste, une tranche d’enfer sur terre. C’est tout de même bien drôle, quand on y pense, cette mégalomanie intellectuelle qui ne désarme pas, et s’associe si tranquillement à la paresse… Bon Dieu! En presque huit ans, je n’ai probablement rien compris à ce qui me fait tel plutôt qu’autre, n’ai triomphé d’aucune de mes tares et inhibitions, qui se sont plutôt renforcées, et si je me suis un peu réconcilié avec moi-même, c’est en diminuant; or ça ne m’empêche pas de prétendre régler le problème de Dieu en deux coups de cuillère à pot! Mais ce ridicule-là, lui aussi, ne se trouverait-il pas transfiguré par la baguette magique du roman? Un type qui met à profit ses dernières années pour piocher la question de ce qui l’attend après, certes stérile si la réponse est : rien, mais 1) à cette réponse-là personne ne sera confronté; 2) à l’âge que je lui donnerais, qu’aurait-il de mieux à faire, à part un peu de bien aux autres? Et le cumul est non seulement possible, mais recommandé. D’ailleurs je m’arrangerais pour me distancier de mon type, même s’il est narrateur. 

     Me voici donc deux personnages. Je me demande pour quel “roman”, ne discernant même pas quel dialogue pourrait s’engager entre le démasquage de l’idéologiquement correct et la quête de l’au-delà. Il pourrait être préférable qu’il n’y en eût aucun, pour faire toucher du doigt le parallélisme des hommes et l’absence de terrain commun – ou  le clivage, si les deux perceptions du monde s’avèrent celles du même individu –, et que l’œuvre se nouât plutôt autour d’une action commune, en un lieu commun – et ici je ne ferai pas semblant de sécher, car ce projet de coopérative syndicale, avec les incertitudes qu’il comporte, pourrait fournir, au jour le jour, la trame de réel d’un roman qui, tout bien considéré, n’aurait de faux que les élucubrations des personnages, comme il en va dans la vie. Pour le moment, je ne vois pas matière à en nourrir un troisième humain, ou une troisième part de moi-même, mais cela, encore, ne serait rien. L’inconvénient majeur, dès avant de commencer, c’est l’ennui mortel que m’inspire la seule idée de ce roman à la noix! Ou bien seulement le côté “Dieu”? Ou la perspective d’une nouvelle tâche sans issue? Il est certain que mes romans “polyphoniques”, Ici Quémans et surtout Pension Queval, me laissent le souvenir de tels trous noirs que je n’en reviens pas d’avoir pu les finir, ou les inachever point trop ouvertement. Bien sûr, ce coup-ci serait différent, puisque j’irais m’efforcer de pomper la nappe phréatique du savoir d’autrui (dissident, bien entendu), au lieu de m’évertuer à des fouilles dans mes ressources ignorées.Éprouverais-je une répugnance secrète à remplacer une part des 90% de transpiration, et surtout l’intégralité des 10% d’inspiration, par des balades sur Internet?… J’ai énormément à apprendre, c’est indubitable, mais hélas il ne l’est pas moins que j’en ai passé l’âge : la patience de piger, je ne l’ai jamais eue : elle comportait un risque d’échec qui connotait trop l’infériorité; mais à présent tout se barre à mesure, je ne retiens rien; j’aimerais à croire, évidemment, que ça signifie que rien ne mérite d’être retenu : hélas, je ne suis pas encore assez gâteux pour que m’échappe tout à fait l’inanité tautologique de cette assertion.

 

[1] Ni personne, dirait-on : je reconnais bien là les explications  “scientifiques”, aussi variées que saugrenues, de l’absence incontournable de cyanure dans les vestiges de chambres à gaz! La science la plus concrète devient malléable à merci quand les conclusions sont tracées d’avance par le pouvoir.

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Commentaires
Inventaire avant liquidation
  • Conclusion de la longue auto-analyse d'un narcipat incapable, 4 ou 5000 pages après le premier mot, de préciser ce qu'il a d'universel, de groupal ou de singulier. Un peu longuet, pour un constat d'échec! Mais je n'ai rien d'autre à proposer.
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