Ouverture de MacBête

Bon, assez divagué. À moins qu'on ne s’y remette de plus belle, car l’ouverture de MacBête V exige un brin de préface. Voilà “seulement” trente ans, pas la moitié de ma vie, que les ordinateurs y ont fait irruption, et 26 qu’après une courte intervention de Thomson, provoquée par un bonimenteur de la CAMIF, laquelle ne faisait pas Apple à l’époque, je me suis aveuglément engouffré derrière les Poc, qui ne juraient que par cette marque (et rien de plus qu’une marque pour moi!), et m’y suis tenu ensuite, en dépit des coûts, pour transférer aisément mes docs, ce qui au grand jamais ne fut de la tarte, ces pommes, dans leur rage d’évoluer, m’ayant perdu photos, tableaux, et surtout des textes… qu’à dire vrai j’ai eu la flemme de repêcher, puisque, de modèle en modèle plus récent et en changeant de vecteur à chaque transfert, un sauvetage, ce me semble, n’eût pas passé mes moyens… J’ai encore là MacB III et MacB IV, se couvrant de poussière à portée de ma main, après sept ans de règne chacun, le premier avec un écran naze (une simple “carte graphique” à changer, c’est-à-dire du chinetoque pour mézigue), le second en bon état de marche, mais frappé d'obsolescence par les sites Internet dont je ne pourrais me passer qu'en faisant subir des changements drastiques à ma vie quotidienne. On nous annonce depuis vingt ans que la durabilité des bécanes va décliner, et, chez Apple du moins, il n'en fut pas ainsi jusqu’à l’heure : les sites “gratuits” se sont chargés de l’opération. « Oooops! Time to modernize! » lançait YouTube; Wikipedia me refusait ses images, et Overblog l'accès à l'admin' en ces termes : « Est-ce que vous boiriez une boîte de lait périmée? » Moi qui ne suis pas un géant des relations publiques, il me semble qu’un message remplissant la même fonction sans exciter tant d'ire ne m’aurait pas fait une hernie au cortex : est-ce qu’on ne le sait pas, que si cette boîte-là est prétendument périmée, c’est, comme dit la bande à MacRon du “durcissement du contrôle technique”, pour “renouveler le parc automobile” sans se préoccuper de ceux qu’on met ainsi à pied? Il est vrai qu’on pourrait nous usiner des bécanes et des bagnoles qui cassent en deux ans, mais pour ça il faudrait que toute concurrence entre industriels devînt aussi bidon qu’un appel d’offres sur un chantier du bâtiment au bord de la Grande Bleue. Cessons là la complainte du progrès fictif, car il n’est rien à quoi elle s’applique aussi mal que le sujet du moment : j’utilise probablement moins de cinq pour cent du potentiel de mon ordi, mais, alors que j’avais négligé la télévision et m’étais à peu près passé du téléphone, les ressources des traitements de textes en 86, puis celles d’Internet en 2001 (je n’étais pas en avance!) ont métamorphosé mon existence à tel point que même avec une vue, une prostate, une dentition, etc, moins périlleuses, je refuserais désormais de m’installer sur la plus paradisiaque des îles désertes. Marrant tout de même : je ne reçois aucun commentaire de mes écrits, presque aucun courrier, une bonne encyclope avec compléments par cargo annuel devrait faire l’affaire, mais la simple arrivée quotidienne de chiffres de fréquentation, qui sait, bidons? est devenue une chnouf passablement addictive; et en apprenant à écrire sur écran, si mal que ce soit, j’ai désappris la patience de recopier une page pour trois mots rayés. Ajoutons ces fringales de films qu'on peut difficilement qualifier d’épisodiques, quand la dernière a duré quatre mois, et qu’il est facile d'apaiser, quand on n’est pas trop allergique aux navets… le phénoménal réservoir de beaux minois, de courbes de rêve, de photos pornos, notamment de fausses ou vraies lesbiennes en action, pour la plupart insipides et répugnantes, mais dont une sur cent émeut et sur mille ravit le centième de vigueur qui me reste… Dommage qu’il soit de plus en plus difficile de les annexer à son trésor personnel… difficile, s’entend, comme l’est tout ce qui est nouveau pour un ermite coupé de tout, auquel ne parviennent pas les tuyaux les plus élémentaires… et font défaut les modes d’emploi, désormais illisibles ou absents. Mais ronchonne toujours! Il n’en restera pas moins qu’au bout de trois bonnes journées perdues à faire un compte rageur des régressions et dysfonctionnements, à me scandaliser de sauts d’écran inopinés (lesquels survenaient en fait quand, tel Lennie, je caressais le dos de la souris magique!); après m’être répété vingt fois que ce maudit discriminé positif (un Guyanais qui, de fait, n’y connaissait pas grand-chose… mais guère moins que le frimeur quinqua franchouillard qui lui servit de recours, affichait “vingt-cinq ans d’Apple” et ne comprenait aucune question) m’avait refilé un rendu, et que ça ferait bis; en dépit du retour des plantages, dont j’avais presque perdu le souvenir, et des lenteurs (celles, par exemple, qui affectent les corrections d’un alinéa de quinze pages)… ben ça va ptêt sonner début d’Alzy, mais il est hors de doute qu’il n’est pas un humain au monde auquel je fasse plus confiance qu’à MacBête – ce qui ne m’empêche pas de tressauter de trouille à l’idée de la moindre innovation, installation de logiciel, mise à jour ou autre : ma “prise de risque zéro”, branchée sur l’ignorance, frôle le ridicule absolu : MB III m’étant, par exemple, arrivé avec un mange-disque défectueux, il y a plus de quinze ans que je n’ai tenté l’expérience d'introduire un CD, rom, audio, n’importe, dans le lecteur ad hoc – si ce n’est avec MB IV après sa mise hors-service, lequel m’a rejeté avec mépris deux films de suite : pas question de m’y frotter avec son successeur, de peur d'esquinter quelque chose qui marche et me tient à cœur. Si vous voyiez quel bond fait mon cardiogramme lors d’une expédition dans la jungle porno, quand une voix de gorille enrhumé m’annonce : « Votre ordinateur a été infecté! » (Je me suis même fait baiser par MacKeeper, le roi de l’arnaque, qui vous colle la croix de l’exit sur l’immédiat pourtour du poussoir “Go!” Mais la peur, parfois bonne conseillère, m'a quand même dissuadé de l'installer) vous me prendriez, non sans raison, pour le plus timoré des animaux. Mais il faut mesurer à quel point la solitude vous fragilise : un ordi grippé, pour tout autre, ça se résout en appelant un pote : c’est ce que je fis moi-même en 96, quand mon chef-d’œuvre du moment disparut sur une série cabalistique inexpliquée – à cette différence (et quelques autres) près avec un homme normal que j’avais mille bornes aller-retour à faire pour apporter la bête blessée au vétérinaire bénévole. À présent, je ferais le tour de la terre sans trouver du secours. « Mais pourquoi des potes? Et les pro, alors? » Certes, et même j’ai la diarrhée moins liquide depuis que j’en connais un (camerounais, précisons-le, pour contrebalancer le fâcheux effet du “discriminé positif” supra) qui connaît le métier qu’il a choisi (c’est le seul que j’ai trouvé dans ce cas, le triste jour de novembre 16 où j’ai sondé la moitié des spécialisses de Maville). Mais, merde, lui laisser mon ordi? Il y a tout dessus! Mon journal intime, ma photothèque, mes recherches bibliographiques, tout mon sale être, je les assume d’Âme à Zob, et serais même capable, si l'on me demandait des comptes, de me montrer hautain. Mais je préfère n’y être pas acculé. Sans compter la perte de temps, de fric, l’incertitude de rebrancher tous ces fils où il faut…

[1] Ces fumiers-là ont recommencé deux ans après achat. Il est hors de doute qu’ils touchent des royalties des marchands de bécanes et/ou de navigateurs. Et cette fois la mesure était comble. Mais la résilience veillait dans l’ombre : voilà deux mois que je suis privé de stats, et c’est presque comme si cette chnouf n’avait jamais existé.