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Inventaire avant liquidation
9 décembre 2018

Dernier retour sur sept ans de platonisme

     J’ai consacré à ma triste histoire amoureuse et sexuelle un bouquin qui pouvait sembler long tant que l’actuel n’avait fait qu’égrener ses premiers chapitres, et qui m’a paru un chef-d’œuvre tant que je n’ai pas entrepris de l’embloguer, et à cette fin, de le relire d’un autre œil, par livraisons : une goutte de consternation faisant déborder le vase, j’ai tout effacé – puis tout remis en ligne un ou deux ans plus tard, à titre de document, pour faire du volume, et pour me “venger” de tous ces cons qui méprisaient également mon meilleur et mon pire : raisons dont je signale que point n’est besoin de signaler qu’elles sont des plus piètres, selon une exécrable habitude qu’il ne faudra pas manquer de mentionner parmi les caractéristiques de mon style, si je m’attelle un jour à ce pensum indéfiniment procrastiné. Le pire défaut de Pour en finir avec l’amour, peut-être, c’est que, mon histoire avec (ou plutôt sans) Hélène étant d’abord toute fraîche, puis ressourcée dans un journal abondant et une correspondance verbeuse (car ce nanard a été rédigé en deux temps, trois en comptant celui des “documents” simplement reproduits), il est peu de détails étriqués que j’aie épargnés au lecteur. Ma préhistoire, plus éloignée, s’en est trouvée plus sobre, et j’ai cité dans mon Cacatalogue une ou deux pages sur Claire que je préfère ne pas relire, mais que je ne vais pas récrire non plus, d’autant que je n’ai craint déjà ni le bis, ni le ter : halte! Rappelons pour résumer que le jour de la “rentrée”, ou de l’entrée en quatrième, dans mon premier bahut mixte (et dernier, comme élève, s’entend), je tombai amoureux de la blonde fille du surgé, et le resterais, pour simplifier, “jusqu’au bac” (dans la même classe), et même deux ans (de séparation) au delà, sans jamais lui en souffler mot, ni, j’en jurerais, la moindre esquisse d’une réciprocité. Elle ne m’a pas, à elle seule, fait aimer l’école (ce bahut était, pour l’époque, une merveille de liberté), ni passer des épaisseurs du peloton au prix d’excellence (le niveau, alourdi de peu-francophones, était fort bas), mais elle a joué le grand premier rôle dans le un, dont le deux dépendait en partie. Va-t-en mesurer, à côté de ça, en quoi elle contribua, par en aimer un autre (au moins!), à une sécession qui, avec des hauts et des bas, a duré toute ma vie? D’accord, ce n’est pas de l’archaïque, mais de douze à dix-sept ou dix-neuf ans, des conduites et des convictions qui à ce stade auraient peut-être encore pu se corriger ont eu tout le temps de figer et de rancir… Et du reste il serait peut-être temps, pour un nul en psychanalyse de mon espèce (et de surcroît incroyant), de remettre au moins en question ce plus c’est vieux, plus c’est grave… Minute, minute! Est-ce bien cela qui est à revoir, ou le postulat de l’outrecuidance et de l’égocentrisme, celui qui “carabine” automatiquement mes rhumes : plus c’est moi, plus c’est grave?…dont plus c’est vieux n’est qu’une dépendance… mais, de grâce, sans aller jusqu’à l’hérédité, par désir de comprendre, c’est du moins ainsi que je le théorise, mais sans doute, aussi ou surtout, par besoin de coupables.

     Essayons de résumer ce que je crains d’avoir déjà dit un peu partout, et déjà repris dans une verte discussion del’incertitude du rôle sexuel, que Kiley place, chez son “Peter Pan”, vers 17 à 19 ans. D’abord, pourquoi, d’entrée de jeu, cet amour-là s’est-il accompagné de silence, d’attente et d’inespoir? Je n’avais pas été, jusqu’alors, spécialement timide avec les filles! Mais j’en avais rencontré peu, toujours dans un cadre familial où je régnais sans rival par la tchatche, la musculature, les bouffonneries et inventionnettes, la pure et simple affirmation de soi : même mes cousines laissaient parler l’aîné – étais-je bien si hardi, du reste, que me le peignent les rares scènes qui me reviennent? En public, à la rigueur. Mais dans l’intimité? Pour commencer, qu’aurais-je demandé? J’avais un peu lu, soit, mais surtout des Club des cinq, nous n’allions guère au cinéma (et voir quoi? Laurel et Hardy? Don Camillo? Je me souviens de m’être copieusement rasé avant dix ans devant Crésus, de Giono) et ne possédions pas encore la télé : nul modèle de bisou sur la bouche – et nulle envie, je crois pouvoir l’assurer.Jamais je n’ai joué au docteur avec une fillette : mes souhaits charnels ne se seraient pas aventurés au-delà d’une balade main dans la main, et non seulement je ne censurais rien, mais à treize-quatorze ans encore, j’accuserais les autres de jouer la comédie du désir. Il aura fallu toute une vie pour que « Je suis votre vérité » commence à se poser des questions…

     Pendant au moins trois mois, six, l’année entière peut-être, j’aurais caché le thermomètre pour aller au bahut : il me suffisait de voir Claire pour monter au ciel… et d’être vu d’elle? Plutôt entendu… J’osais rarement lui adresser la parole, et son apparition n’avait pas donné le coup d’envoi de mes bouffonneries, rodomontades et insolences diverses, mais elle en était désormais l’objet privilégié, voire exclusif, quoiqu’indirect, et comme je lui prêtais une auréole, donc peu de goût pour la méchanceté et les concours de pets… il me semble que je réfrénais sans effort certains excès de bêtise et de provocation, voire d’indépendance ostensible : raison pour quoi, sans doute, cette plage de bonheur m’apparaît, à distance et en gommant le détail, comme nimbée de grégarisme et de dévouement aux autres : je soufflais aux cancres, leur passais mes copies, que ces cons pompaient texto, et que je ne leur eusse refusées ni avant ni plus tard, mais je ne me souviens pas qu’on me l’ait demandé hors ce laps béni. Gardons-nous d’en remettre, ma sainteté était imitative (et d’un modèle sinon inexistant, que du moins je ne me suis pas soucié d’étudier : Claire était un visage d’ange, où se reflétaient toutes les vertus, point-barre), cabotine, et lézardée de failles; c’est égal, je garde et cultive, à ma honte, cette conviction que quelques mois ou ans de chaste idylle m’auraient récupéré à l’aise, ou que je ne m’en serais rebellé plus tard qu’à meilleur escient. Ce qui m’horripile, c’est d’avoir fui la concurrence, et de ressonger à toutes les vachâneries que j’ai pu lui dire, pour épicer ma fuite, à toutes ces reparties que j’aurais pu y substituer… Ne serait-ce, quand elle me faisait remarquer, en plein cours, ma prédilection pour les personnages de méchants : « Et qui m’a rendu tel? » Cet hexa-là, comme je me suis loué de l’avoir retenu! Il l’aurait intriguée, pourtant, elle qui devait être, sans s’en piquer, plus psychologue à quinze ans que je ne le serais à trente, et qui, se souciant de moi comme d’une guigne, me connaissait mieux que je ne la connaissais, alors que j’aurais donné en échange du plus timide, du plus approximatif des t’aime-aussi tous ces prix dont je faisais pourtant grand cas. Si jeunesse savait… Mais jeunesse connaissait fort bien la nécessité de parler, et n’osait pas, et balbutia des démentis invertébrés quand Lopez, un voyou qui biturait mes maths et m’avait à la bonne, parla à ma place. Bah, qui sait si je ne l’ai pas échappée belle? Il en fallait si peu pour m’écorcher l’orgueil…

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Commentaires
Inventaire avant liquidation
  • Conclusion de la longue auto-analyse d'un narcipat incapable, 4 ou 5000 pages après le premier mot, de préciser ce qu'il a d'universel, de groupal ou de singulier. Un peu longuet, pour un constat d'échec! Mais je n'ai rien d'autre à proposer.
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