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Inventaire avant liquidation
3 février 2019

Du peuple absent à la mairie indifférente

     Qui a lu? C’est vers 4h P.M. que cette question reçoit un éclairage indirect, avec l’arrivée d’un courriel de trois lignes de l'assistante de Maître Glu-Aux-Pattes, répondant à un d’avril, catégorique et pressant, de Céline, laquelle avait donc bien transmis mes doléances, avec consigne de se manier le train. La pauvre assistante ne s’en est assurément pas dispensée sans ordre de son boss, et je dois confesser que ce revirement-éclair me monte une bonne heure à la tête : « Je vous réponds tardivement. J’ai demandé à la société ATTILA de m’établir un devis pour pallier les infiltrations que subit M B***. Je pense que cette entreprise ne va pas tarder à appeler M B*** pour fixer un rdv. » Le Dictateur, qui m’avait traité en paillasson, et condamné à la pluie à domicile via vote de son CS domestiqué, daignait me juger dangereux!… mais aussi à vendre pour quelques truellées de goudron sur le toit : ça, c’était moins flatteur, mais ne me gênait guère : ce meussieu, en me prêtant une pareille mesquinerie, donnait simplement la mesure de la sienne, et n’en comprendrait que mieux sa douleur quand je le crucifierais à l’A.G. – réparation faite ou non! La société Attila (la facétie ne m'eût pas déplu, mais je vérifiai aisément qu’elle s’occupait bien d’étanchéité des toits, et non de meurtre à gages) m’appela, de fait, le lendemain à 9h tapantes : nouvelle visite? nouveau devis?? Passeraient, passeraient pas? Passeraient, pariais-je, pour doucher mon feu. Mais après l’A.G., plus personne. Et c’est exactement ce qui arriva.

     La main sur la pompe, je suis bien loin de considérer cette lettre du 6 comme un chef-d’œuvre. Mais je pense qu’elle a donné chaud aux fesses magmagistrales, via un certain nombre d’assertions justifiées par les faits, éléphantiasis visible des prix, intérêt nul des deux tiers des travaux, énorme gaffe architecturale que je subodore au surplus illégale, et un certain ton irrespectueux dont ses dévotes ne lui avaient pas donné l’habitude. [1] À mon avis, du 6 au 9, on a fort travaillé du chapeau chez l’adversaire, disons même l’ennemi, certes pas sur le fond, mais sur des aménagements de détail visant à plâtrer les bévues et à masquer l’ampleur des commissions occultes. Travail délicat, si obnubilé que puisse être le conseil syndical, car, sauf psychose collective, ses membres ne pouvaient participer sciemment à la dissimulation d’une friponnerie commise à leur détriment. Reste tout de même à s’expliquer que Barthélémy Giraud, le nouvel homme fort du CS, géomètre de son état, ne se soit pas avisé de ce qu’impliquaient ces deux murs, sans doute posés là in extremis pour dégonfler la facture des portes coupe-feu! Mais lui prétendra ensuite qu’il avait tout vu le premier, réclamé une troisième porte tous les deux ou trois étages, et, ce nonobstant, trouvé le plan cohérent, au regard d’un autre qui leur avait été précédemment proposé, et qu’ils avaient unanimement refusé, comme incompréhensible et hors de prix. Je découvrirai plus tard que ce type ne me le cède en rien en matière d’outrecuidance, et que satisfaire son amour-propre importe davantage pour lui que les intérêts financiers toutes proportions gardées considérables qu’il a dans l’affaire. 

      Mais s’il souffle un vent de trouillasse dans le camp d’en face, de par les yeux haut placés sous lesquels risque de tomber un papier dès lors qu’il existe (la presse ne déteste pas le franc-parler, quand elle n’a pas à l’oser elle-même, et qu'il ne bouscule que les tabous des autres), ce n’est certes pas la popularité de notre séance locale de brainstorming qui risque d’aggraver leur souffle au cœur, puisqu’il nous est venu le 9… trois personnes, toutes proprios, dont deux idiots absolus, à enfermer,et une moukère bien sympa (sa fillette, surtout, qui ne tenait pas en place, et cherchait par tous moyens un coin où se blesser) mais non-francophone. Ayant le matin, dans l’ascenseur, été l’objet d’œillades aguicheuses d’une petite rondelette, lesquelles, dans mon esprit, ne pouvaient, attendu ma gueule, s’adresser qu’à lui, j’espérais la revoir le soir même, tout en me demandant si ces salauds n’enverraient pas des sbires pour semer le souk. Ni l’une ni les autres : seulement une vieille alcoolo qui n’arrivait pas à se mettre en tête que les pétarades des gamins sur leur mob n’étaient pas à l’ordre du jour, un débile qui confondait la parole et l’aboi, et cette brave fatma qu’il fallut apaiser en arabe parce qu’elle s’imaginait que le “monte-charge” servait à hisser les charges de copropriété : « pas bisoin, pas bisoin! » rigola mon acolyte en traduisant. À peine nos partenaires se furent-ils éloignés de quelques pas, après une heure ou deux de bâtons rompus, que nous éclatâmes d’un rire triste et fou : « Tu comprends pourquoi j’en ai marre! » gémit W***. « Il faut que je paaarte d’ici! » – « Si t’as le fric… », répliquai-je. « Mais si c’est pour échouer dans un camping de caravanes… en attendant la suite! » Hypothèse irréaliste, d’ailleurs : c’est désormais interdit, m’a dit Denis naguère, comme habitat permanent : ils ont voté ça il y a quelques années, avant même l’avènement de Maccherone [2].

     Plutôt à plat en remontant vers mon perchoir, je le confesse. Il y a un bail que je n’avais eu l’ouïe et l’œil aux abords de l’immeuble, au ras du sol. Quel souk! Et ne nous cachons pas qu’on va vers le toujours-pis, avec cette nuance que le Maîmaître cherche à tous nous exproprier – pour que les sociétés qu’il aura introduites dans la place (simples pseudos pour cézigue, qui sait? Il y en a un qui serait bien trouvé) nous reprennent pour locataires? À 7 ou 800 € par mois, je ne tiendrais pas longtemps. Halte aux jérémiades : après tout, c’est déjà beau de ne pas avoir reçu un pot de fleurs sur le crâne!

     Cette narration tourne au journal intime, rayon des grotesques, juste au croisement de celui des abjects. Chronologie, mol oreiller. Lundi matin, après mes relectures/corrections, je me prends le pouls : une créativité de cadavre. Puisque j’avais décidé d’aller à la mairie, pourquoi pas tout de suite? Et me voici en route, par temps doux, vers le Ministère du Recoupement de l’Information qu’ils ont récemment bâti, pour 175 briques, en bordure de la ville-qui-est, comme si l’agglo qu’ils espèrent devait nécessairement pousser de l’autre côté de son présumé centre, et, qui sait? aller jusqu’à la mer, en phagocytant les villages qui s’interposent.

     C’est calme, ce matin : en fait, nous sommes à peu près trois ou quatre visiteurs, pour au moins dix mémères à l’accueil, perdues des deux côtés d’un hall grand comme un terrain de foot. Fort aimables, du reste : Mamie one, au bout d’une phrase et demie, me renvoie sur l’autre ligne de touche, où Mamie two attend quelques bafouillis supplémentaires pour trancher : Urbanisme!, me refiler un badge, et m’expédier au sixième… Que tout s’y gâte, je n’irai pas jusque là : la courtoisie reste irréprochable. C’est contre l’Accueil que Mamie three s’énerve; elle va tout de même voir chez son patron si mon cas relève de leur service; puis, par pitié d’un si patent novice, se démanche jusqu’à téléphoner sous mes yeux à la DAI (Direction Architecture et Immobilier) dont la dénomination au moins paraît mieux adaptée : « C’est aussi au sixième, mais de l’autre côté »… du terrain. Cela dit, ces ascenseurs-là, eux, marchent à merveille, et les panneaux me guident sans hernie jusqu’à un service où soit je fais tache par ma dégaine, soit toute espèce de visiteur est comme un sauvage sorti de sa forêt. Une nouvelle dame mûre (au moins ne pratique-t-on pas, en ces lieux, le favoritisme esthétique!) téléphone à “Anne-Sophie”, sa chef, qui me fait attendre, bien entendu, mais dix minutes à peine, peut-être pour se préparer à l’assaut, puisque dès qu’elle m’introduit dans son burlingue, elle a sous les yeux le “dossier” de la Tour, qui serait celui, à l’entendre, d’un “centre commercial” : le Maîmaître verrait loin et grand! Mais ce qu’elle nomme ainsi, rectifie-t-elle illico, ce sont les boutiques miteuses du rez-de-bitume.

      Difficile de résumer le dialogue : le plus clair en est, pour moi, que mon interlocutrice est peu aimable; il lui déplaît fort, audiblement, qu’un quidam sans casquette (façon de parler : j’ai gardé mon contre-cataracte vissé sur le crâne) vienne faire chier les Spécialistes. Elle essaie, à un moment, d’ergoter : rien n’assure que les deux traits gris-foncé soient des murs. « Et que serait-ce d’autre? » Fruit blet d’une imagination orientée? Il me semble que la correction de ma syntaxe (et la trivialité de mon lexique?) filtrent peu à peu chez Madame sous forme de crainte d’emmerdements “à l’écrit”, puisqu’après m’avoir répété un quart d’heure qu’elle n’a “rien d’autre”, elle disparaît deux minutes (que je me garde bien, crainte de caméras, de mettre à profit pour jeter un coup d’œil à l’écran) et revient avec une demande de travaux datée de juillet dernier, sans mur ni coupe-feu, du moins à ce qu’il paraît de prime :

 

Étage tour projet 2014

 

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Commentaires
Inventaire avant liquidation
  • Conclusion de la longue auto-analyse d'un narcipat incapable, 4 ou 5000 pages après le premier mot, de préciser ce qu'il a d'universel, de groupal ou de singulier. Un peu longuet, pour un constat d'échec! Mais je n'ai rien d'autre à proposer.
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